Encore des mots...
vendredi 4 juillet 2014
La peste
"Tiré de cette longue conversation intérieure qu'il soutenait avec une ombre, il était alors jeté sans transition au plus épais silence de la terre. Il n'avait eu le temps de rien" (Albert Camus)
mercredi 11 décembre 2013
Expiation
"Lorsqu'elle émergea quelques secondes plus tard, un éclat de porcelaine dans chaque main, il se garda bien de l'aider à sortir de l'eau. La fragile nymphe blanche, d'où l'eau ruisselait avec infiniment plus de grâce que du solide Triton, déposa avec soin les morceaux à côté du vase. Elle s'habilla prestement, passant avec difficulté ses bras mouillés dans les manches de soie et renfonçant dans sa jupe son chemisier défait. Elle ramassa ses sandales et les fourra sous un bras, mit les fragments dans les poches de sa jupe et pris le vase. Ses mouvements étaient brusques. Elle évitait de croiser son regard. Il n'existait pas. Il était banni, et ça aussi, c'était sa punition. Il resta là, sans voix, tandis qu'elle s'éloignait de lui, pieds nus sur la pelouse, et il suivit des yeux ses cheveux assombris qui balançaient pesamment sur ses épaules, détrempant son chemisier. Puis il se retourna pour sonder l'eau au cas où par mégarde elle aurait oublié un morceau. Il était difficile d'y voir, car la surface troublée n'avait pas encore retrouvé sa quiétude, encore hantée par le spectre de la violence de Cécilia. Il posa la main à plat sur l'eau, comme pour l'apaiser. Elle, entre-temps, avait disparu à l'intérieur de la maison." (Ian McEwan).
vendredi 6 décembre 2013
Courbons nous
""Je t'aime" répète le vent à tout ce qu'il fait vivre. Je t'aime et tu vis en moi."
René Char
lundi 25 novembre 2013
Charles
"Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons !
Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !"
jeudi 20 juin 2013
Un soir de décembre
"Quelques semaines après son mariage, il a cessé de porter ses lunettes. il n'a donné aucune explication, n'ayant élaboré aucun argument susceptible de justifier cette lubie. Peu à peu, il s'est habitué à évoluer ainsi, au milieu de formes indistinctes et de silhouettes mouvantes, attentif aux couleurs et aux lumières, prudent puis confiant, dans un décor imprécis dont il ne distingue que les contours. certes, il ne reconnaît pas toujours ses amis ou ses voisins quand il les croise dans la rue, mais compense ces manquements à la plus élémentaires courtoisie par un regard dénué de tout jugement. Des visages, il ne perçoit que la douceur et les courbes, incapable au-delà d'une certaine distance de deviner leur âge ou leur beauté. Au-delà d'un mètre le monde lui apparaît lisse et harmonieux, jamais ne le heurte ni ne l'interpelle. Hors de chez lui, il a pris l'habitude de s'éloigner des choses et des gens, de les maintenir à distance, afin qu'opère cette vision tronquée, édulcorée, qui gomme les aspérités et lui dérobe les corps. Il évite les foules et les heures de pointe, se rend à pied à l'agence et fuit systématiquement les lieux ou les occasions qui lui imposent la promiscuité. (...) Il évolue dans un monde sans visage, hormis celui de ses proches, et cela lui semble dans l'ordre des choses, il va et vient dans ce léger brouillard qui le protège et lui laisse parfois croire, puisqu'il ne distingue rien au-delà d'une certaine distance, qu'il ne peut être vu." (Delphine de Vigan)
dimanche 9 juin 2013
Memories
“I will remember the kisses, our lips raw with love and how you gave me everything you had and how I offered you what was left of me, and I will remember your small room, the feel of you, the light in the window, your records, your books, our morning coffee, our noons our nights, our bodies spilled together sleeping, the tiny flowing currents, immediate and forever, your leg my leg, your arm my arm, your smile and the warmth of you who made me laugh again" (Charles Bukowski)
mercredi 15 mai 2013
Crions ensemble
"Tu es pressé d’écrire
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S’il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie
La vie inexprimable
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir.
Celle qui t’est refusée chaque jour par les êtres et par les choses
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
Hors d’elle tout n’est qu’agonie soumise fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur
Reçois-la comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride
En t’inclinant.
Si tu veux rire
Offre ta soumission
Jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption
Sans égarement.
Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union."
René Char
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