jeudi 31 mai 2012

Les heures souterraines

"En quelques semaines, elle a tout imaginé. Le possible et l'impossible. Le meilleur et le pire. Qu'elle serait victime d'un attentat, au milieu du long couloir qui relier le métro au RER une bombe exploserait, puissante, soufflerait tout, pulvériserait son corps, elle serait éparpillée dans l'air saturé des matins d'affluence, dispersée aux quatre coins de la gare, plus tard on retrouverait des morceaux de sa robe à fleurs et de son passe Navigo. Ou bien elle se casserait la cheville, elle glisserait de manière stupide sur une surface graisseuse comme il faut parfois en contourner, brillante sur les dalles claires, ou bien elle raterait l'entrée de l'escalier roulant et se laisserait tomber, la jambe en équerre, il faudrait appeler les pompiers, l'opérer, visser des plaques et des broches, l'immobiliser pendant des mois, ou bien elle serait kidnappée par erreur, en plein jour, par un groupuscule inconnu. Ou bien elle rencontrerait un homme, dans le wagon ou au Café de la Gare, un homme qui lui dirait madame vous ne pouvez pas continuer comme ça, donnez-moi la main, prenez mon bras, rebroussez chemin, posez votre sac, ne restez pas debout, installez-vous à cette table, c'est fini, vous n'irez plus, ce n'est plus possible, vous allez vous battre, nous allons nous battre, je serai à vos côtés. Un homme ou une femme, après tout, peu importe. Quelqu'un qui comprendrait qu'elle ne peut plus y aller, que chaque jour qui passe elle entame sa substance, elle entame l'essentiel. Quelqu'un qui caresserait sa joue, ou ses cheveux, qui murmurerait comme pour soi-même comment avez-vous fait pour tenir si longtemps, avec quel courage, quelles ressources. Quelqu'un qui s'opposerait. Quelqu'un qui dirait stop. Qui la prendrait en charge. Qui l'obligerait à descendre à la station précédente ou s'installerait en face d'elle au fond d'un bar. Qui regarderait tourner les heures sur l'horloge murale. A midi, il ou elle lui sourirait et lui dirait : voilà, c'est fini." (Delphine de Vigan, p. 13)

samedi 26 mai 2012

Des femmes qui tombent

""Baise moi, je suis malheureuse”. Ils mélangèrent leurs chagrins et leurs salives et se prirent farouchement. Elle cria sous lui, le poussant aux fesses avec la frénésie calculée des jouisseurs intégraux qui baisent à mort pour s’envoyer au ciel. Elle baisa amplement, elle baisa jusqu’aux yeux comme baisent les femmes. Et lui, farouche et sombre, et beau comme un taureau fâché, rude, raide et suant, la taraudait au ventre avec la terrible sérénité de la vague érosive au clapot obsédant toujours recommencé. Et les écumes chaudes leur léchèrent le ventre." (Pierre Desproges)

mercredi 23 mai 2012

Everything is illuminated

“I am not sad, he would repeat to himself over and over, I am not sad. As if he might one day convince himself. Or fool himself. Or convince others -- The only thing worse than being sad is for others to know that you are sad.” (Jonathan Safran Foer)

lundi 21 mai 2012

La Malédiction du chat hongrois

"Ils avaient particulièrement bien appris une leçon : que la vie ne peut être remise à plus tard; elle doit être vécue maintenant, pas suspendue jusqu'au week-end, jusqu'aux vacances, jusqu'à ce que les enfants partent à l'université, jusqu'aux petites années de retraite." (Irvin Yalom, page 49)